Alexej von Jawlensky (1864-1941) : La promesse du visage
6 nov. 2021 —— 6 fév. 2022
Peintre russe né en 1864, compagnon de route de Kandinsky durant la première décennie du XXe siècle à Munich, Alexej von Jawlensky offre l’exemple d’un artiste qui participe à la modernité en faisant l’expérience des frontières entre expressionisme et fauvisme, entre figuration et abstraction.
L’essentiel de la carrière artistique d’Alexej von Jawlensky se déroule en Allemagne. À son arrivée à Munich (1896) Jawlensky assimile avec une rapidité étonnante toutes les leçons de l’avant-garde (la peinture impressionniste, Van Gogh, Cézanne). Rapidement, toutefois, il arrive à une synthèse personnelle entre fauvisme et expressionnisme, qui révèle son talent exceptionnel de coloriste. En 1909, Jawlensky est le fondateur, avec son ami Kandinsky, d’un groupe artistique déterminant pour l’histoire de la modernité La Nouvelle association. Par la suite, il expose avec le Blaue Reiter. Si, à ses débuts, l’artiste se limite aux natures mortes et aux paysages, il va rapidement privilégier le sujet qui hantera tout son oeuvre – le visage. Dans sa première période – Têtes d’avant-guerre – les visages sont relativement individualisés et ont déjà une puissance chromatique impressionnante.
En 1914, la guerre contraint Jawlensky à se réfugier en Suisse. Il commence alors à faire appel à une technique qu’il appliquera désormais exclusivement : la série. La première, Variations, s’inspire d’un paysage vu à travers la fenêtre. Le Chemin (1914) emprunte à l’abstraction ses couleurs arbitraires, son refus d’un espace illusionniste tout en gardant encore les traces du sujet initial.
À partir de 1917, pendant vingt ans, Jawlensky traitera presque exclusivement le visage. Le visage ou plutôt la Face, car avec les Têtes mystiques et Faces du Sauveur 1917/1923, Têtes géométriques 1924/1933 et les Méditations, 1933/1937, la figure s’éloigne progressivement de toute ressemblance “naturelle” pour aboutir à une forme stylisée, proche de l’icône.
L’omniprésence de ce sujet, familier et mystérieux à la fois, s’explique par la volonté de donner à la peinture une dimension religieuse. « Après avoir peint ces variations pendant quelques années, j’éprouvais le besoin de trouver une forme pour le visage, car j’avais compris que la grande peinture n’était possible qu’en ayant un sentiment religieux », affirme Jawlensky.
Successivement, le visage s’agrandit jusqu’à occuper la quasi-totalité de la surface du tableau. Le processus de géométrisation est mené à son terme et le choix limité des couleurs accentue le jeu combinatoire des formes. Par contre, avec la dernière série, Méditations, le peintre, souffrant d’arthrite, parfois obligé d’attacher le pinceau à ses poignets, adapte un traitement gestuel qui brouille des traits. De taille réduite, ces dernières oeuvres où le visage se transforme progressivement à l’intersection de la ligne des sourcils et de celle du nez en forme de croix, dégagent une expressivité bouleversante. La singularité de Jawlensky dans l’art du XXe siècle consiste en l’invention d’une forme étonnante, celle du visage abstrait.
Commissariat scientifique Itzhak Golderg
Commissariat général Bruno Gaudichon
Scénographie Cédric Guerlus – Going Design
Catalogue publié à l’occasion de l’exposition aux éditions Gallimard. Prix : 29€
Coproduite avec la Fondation Mapfre à Madrid et le Musée Cantini à Marseille, cette exposition a reçu le soutien de la Région Hauts-de-France et de la Métropole Européenne de Lille. Elle bénéficie d’un mécénat exceptionnel du CIC Nord Ouest, fidèle partenaire du musée La Piscine.
La scénographie est réalisée grâce au généreux concours des peintures Couleurs de Tollens.
Légende : Alexej von Jawlensky, Tête abstraite : Karma, 1933, huile sur carton colle sur bois. Collection particulière.