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Jean Auguste Dominique INGRES, Angélique, 1819

Jean Auguste Dominique INGRES (atelier de) (Montauban,1780 – Paris, 1867)

Cette version est une étude ou un détail d’une œuvre de 1819 dont le premier état, commandé par Louis XVIII à Ingres, est aujourd’hui au musée du Louvre. Il en existe plusieurs répliques avec variantes dans différentes collections publiques et privées. Le sujet, tiré du chant X du Roland Furieux, poème épique de 1532, de l’Arioste, conte la folie de Roland, égaré par son amour pour Angélique, reine de Cathay (soit de Chine) éprise du soldat Médor. Enlevée pour être donnée en pâture sur l’île des Plaintes à un monstre marin, et alors que Roland est à sa recherche, Angélique est sauvée par Roger, roi des Maures, qui surgit sur un hippogriffe (animal imaginaire, mi-cheval, mi-aigle) et terrasse le dragon.

Si l’anecdote de l’arrivée de Roger sur sa fantastique monture est ici écartée au profit de la représentation de la seule Angélique, l’attitude de ce personnage est en tous points identique à celle arborée dans la version complète et suit littéralement les strophes du poème de l’Arioste : rivage hostile, terreur de la reine, mains attachées au rocher, regard baigné de larmes…

Conçu en plein romantisme, dans le culte que voue Ingres au Moyen Âge et à la première Renaissance, ce tableau étonnant fut reçu avec beaucoup de perplexité par la critique de l’époque. Étrange, il crée un nouvel idéal féminin dans lequel cette académie improbable affirme un canon qu’Ingres répétera toute sa vie et qui réinvente les proportions idéales. Le cou du personnage, opulent jusqu’à sembler un goitre, apparaissait au peintre Henry de Waroquier, au début du XXème siècle, comme un troisième sein ! Cette liberté fit beaucoup pour la postérité d’une œuvre qui atteint au statut d’icône.

En 1924, le musée reçut le legs d’un négociant textile roubaisien, Henri Selosse, qui offrit à sa ville sa conséquente collection d’œuvres et d’objets d’art, la plus importante libéralité concédée au musée à ce jour. Dans cette donation, Angélique, alors donnée sans réserve à la main d’Ingres, faisait figure de chef d’œuvre absolu. Le Journal de Roubaix de l’époque dit qu’elle « fut achetée 60 000 francs (valeur d’avant guerre) et qu’elle est tout à fait digne de nos musées nationaux les plus réputés ». Bien qu’elle soit aujourd’hui considérée comme un travail d’atelier ou une copie et non plus comme un original d’Ingres, l’œuvre a conservé dans la collection un statut d’exception. C’est pourquoi elle ouvre encore le circuit des salles de peinture du musée où elle exprime parfaitement le goût de la bourgeoisie industrielle roubaisienne pour les signatures prestigieuses et les références académiques, ainsi que le souhait de maints manufacturiers locaux d’affirmer, dans l’architecture de leurs usines et de leurs hôtels ainsi que dans leurs acquisitions, leur réussite sociale et économique.

Cette toile est présentée dans la Salle de l’élégance linéariste.

Légende :

Jean Auguste Dominique INGRES (atelier de) (Montauban,1780 – Paris, 1867)
Angélique, 1819
Huile sur toile
H. 102 ; L. 73,7 cm
Legs Henri Selosse en 1924
Photo : Arnaud Loubry

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