1932-2022 : La piscine de Jean Lebas et Albert Baert a 90 ans !
« La plus belle piscine de France »
Le dimanche 2 octobre 1932, l’inauguration d’un Etablissement municipal de bains avec piscine de natation à eau chaude fut un événement à Roubaix. Le maire, Jean Lebas, coiffé d’un élégant canotier, et l’architecte, Albert Baert, arborant un rigoureux nœud papillon, prirent la pose sur les marches du solarium, dans le jardin intérieur du nouvel équipement, pour immortaliser, face à la presse et aux habitants conviés à la fête, l’heureuse concrétisation de longues années d’échanges, de projets et somme toute de complicité. S’ouvrait alors un temps nouveau, celui de la piscine de la rue des champs, qui devait connaître un formidable succès populaire avec deux vies au service des habitants de Roubaix. La commande de l’édile, « la plus belle piscine de France », fut considérée comme acquise dès cette première journée et le résultat fut si apprécié que, d’emblée, le discours de Jean Lebas fit monter d’un cran la référence et la concurrence : les bains roubaisiens étaient parmi les plus réussis d’Europe !
Un programme hygiéniste et social
C’est sans doute dans cet enjeu fixé par la ville et dans la conscience qu’eut l’architecte d’avoir l’occasion de bâtir son grand œuvre que se joue la réussite de ce chantier pharaonique et de cette implication dans la vie de la cité manufacturière. Apportant bien plus qu’une piscine, le monument de Baert et Lebas s’inscrivit avec force dans le quotidien d’ouvriers et d’employés qui trouvèrent là, pendant plus de cinquante ans, une sorte de parenthèse joyeuse et libre dans les contraintes et les douleurs d’une vie d’usines et de courées.
Succédant à une longue théorie de maires-patrons, Lebas prit à bras le corps ce qui lui semblait le plus grave dans la condition ouvrière. Comme l’école de plein-air dessinée par Jacques Gréber au sortir de la première guerre, la nouvelle piscine est une réponse aux drames sociaux et sanitaires occasionnés par la tuberculose dans la ville industrielle. Le principe du programme associe le souci d’excellence et l’exigence de solidarité : le meilleur pour tous. En quelque sorte un avant-propos manifeste des convictions du Front Populaire dans lequel, en 1936, Jean Lebas joua un premier rôle comme ministre du travail, inventeur des congés payés.
De la piscine au musée
Cette dimension politique et cette ouverture aux loisirs marqueront les décennies de la première vie de la piscine et la mémoire collective unanimement attachée à ce monument de roubaisianité. Lors de la fermeture de novembre 1985, des voix nombreuses se firent entendre pour défendre ce haut lieu de souvenirs partagés et, reçu par le maire de l’époque, André Diligent, ce message prit le pas sur la tentation de démolition que tous et toutes redoutaient. Ce ne fut pas un classement par conviction esthétique ou historique, ce fut une sacralisation au nom de l’affection qui liait les Roubaisiens à leur piscine. La suite de l’aventure, le nouveau succès partagé avec le regard émerveillé de centaines de milliers de visiteurs, ce fut un bonus qui reste comme un rêve éveillé dans le cœur de toutes celles et ceux qui partagèrent l’aventure d’un autre musée que celui des autres …
À l’occasion de cet anniversaire, la Société d’Émulation de Roubaix a lancé un appel à souvenirs et une sélection de 13 textes a été lue publiquement lors de la Nuit des musées le 14 mai 2022 dernier.
Retrouvez cette plongée émouvante dans les petites histoires de la piscine sur le site de la Société d’Émulation de Roubaix.
Une cinquantaine d’autres textes ont été édités dans le magazine Gens et Pierres de Roubaix n° 32.